Le Voyagist.

L’Expérience

A côté des immenses plages de la côte d'Opale, nous sommes dans les marais, sur les rives de la Canche, ce petit village dans le Pas-de-Calais, à La Madelaine sous Montreuil...

On ne part pas à la Grenouillère par hasard, notre venue est le fruit d'une irrésistible envie de s'y rendre depuis longtemps, un pèlerinage presque obsessionnel pour ceux qui font de leur vie une gourmandise jouissive permanente et dont la curiosité est sans cesse attisée.

Nous pénétrons les lieux, une vieille bâtisse, du charme et de l'âme, une ancienne ferme du XVIème siècle, déjà transformée en restaurant, en 1915, par ses précédents propriétaires.

Nous sommes imprégnés de l'atmosphère, à la fois rustique, authentique mais aussi terriblement contemporaine, élégante, grâce à la merveilleuse collaboration entre deux passionnés, l'architecte humaniste Patrick Bouchain, réhabilitateur de friches industrielles et le maître d'ouvrage qui n'est autre que le Chef Alexandre Gauthier.

En 2009, la propriété fut en effet presque complètement repensée en conjuguant passé et modernité du présent, sous l'impulsion d'un fils, maintenant devenu grand & ayant pris les commandes du navire depuis plus de 6 ans.

Dès notre arrivée, nous sommes dirigés vers notre nid, le temps du séjour. Une hutte conçue en parfaite harmonie avec la nature avoisinante et marécageuse. Du bois, du zinc, du béton, de la corde, une terrasse privative, un poêle à bois, une baignoire escamotable juste devant la baie vitrée, des produits corporels à base d'huiles essentielles de fleurs et de bois, une station réveil - iPod - iPhone et une télé pour les hyper connectés...

On s'installe, on s'imprègne, on ouvre la grande baie et on respire enfin... On se laisse aller le temps d'une après-midi, on ressent la douce tranquillité et la sérénité de l'environnement, un petit air...comme si nous étions les "Enfants du Marais". N'oublions pas que nous sommes dans une maison autour de laquelle résidaient des grenouilles...

D'ailleurs, dans les salons à l'entrée de la bâtisse principale, la partie la plus ancienne, nous découvrons la collection impressionnante de batraciens (pour la plupart, des offrandes de la clientèle fidèle de l'époque), plus étonnants les uns que les autres. Les murs sont couverts d'une peinture représentant un couple (de grenouilles) prenant plaisir à dîner et...à se saouler, un vrai délice pour les yeux et pour notre curiosité. Lorsqu'il fait froid, une grande cheminée fait crépiter le bois et nous apporte toute la chaleur recherchée.

Le soir venu, nous nous préparons et pour tout vous dire, nous trépignons d'impatience à l'idée de goûter cette cuisine qui fait tant parler d'elle, aux 4 coins du globe. Sera-t-elle à la hauteur de nos attentes, saura-t-elle nous surprendre,.. Tel est le genre de questions que l'on se pose lorsqu'on se rend dans une maison aussi plébiscitée et reconnue.

Nous pénétrons la grande salle, sous un ciel étoilé, l'ambiance est déjà magique à peine rentrés. Les matières se mélangent superbement, le métal est omniprésent, le zinc, le bois, le cuir et le béton ciré noir aussi.

Nous optons pour le menu 11 services explicité brièvement sur une carte qui est éditée chaque jour. La poésie et la rêverie sont déjà là, l'éphémère également, le papier fond presque dans nos mains tellement il est fin... Pas trop d'explications, c'est volontaire, l'objectif étant d'ouvrir ses sens et de découvrir sans être trop influencé...

Sans rentrer dans les détails de ce que nous mangeons, la cuisine est esthétique, délicate et véritablement surprenante. Elle transgresse les codes établis. Nos papilles sont en éveil à chaque instant par un nombre à peine croyable de saveurs, pourtant savamment conjuguées. Chaque plat est conçu pour être dégusté en trois ou quatre bouchées; d'abord l'explosion du goût, ensuite un peu plus d'analyse, de compréhension véritable et de gourmandise pour terminer la partition. L'idée n'étant pas d'être dans l’esbroufe mais beaucoup plus dans la vérité, la simplicité, l'humilité et la fragilité. Une recherche d'accord avec la nature et ses couleurs du moment. C'est ce que nous ressentons profondément à chaque étape de ce dîner qu'on aimerait ne jamais voir se terminer...

Heureusement, nous ne sommes pas très loin, il nous suffit de marcher quelques dizaines de mètres pour rejoindre, en fin de soirée, notre "cabane" au luxe discret, perdu dans les marécages, et repenser encore un peu à ce concert auquel nous avons eu la chance de "goûter"!